La violence et la délinquance juvénile ont atteint des taux alarmants et inédits. Aux yeux de la majorité des Tunisiens, ce phénomène n’a jamais été aussi critique. Vu les actes commis ces dernières années et l’inquiétude des gens qui ne cesse de grandir.
Sans trop exagérer les faits, il est important, non plus, de ne pas en minimiser la gravité. En 2017, les crimes de violence étaient déjà alarmants. On en comptait au moins 39.000. Ces chiffres ont sûrement grimpé. Ce qui ne peut laisser personne indifférent. Pourtant, les faits rapportés ne reflètent pas la réalité.
Chaque jour, ce sont des centaines d’agressions de toutes sortes qui se produisent, alors que les victimes ne portent pas plainte. Ils évitent les tracasseries administratives et les formalités contraignantes. D’ailleurs, ils sont convaincus à l’avance qu’il n’y aura aucune suite.
Génération Troïka !
Ainsi, les Tunisiens jugent-ils que, jusqu’à maintenant, les réactions n’ont pas été à la mesure des dangers qui guettent notre société. Quand on sait que la population tunisienne est composée en majorité de jeunes, on mesure à juste titre les périls immédiats qui sont à nos portes.
Un point sur la situation qui prévaut actuellement nous permet de constater que les jeunes entre 18 et 20 sont le pur produit des évènements de 2011. Ceux qui se situent dans cette tranche d’âge avaient, alors, 6 et 8 ans. Ils ont été, donc, formés dans l’école publique soumise aux multiples soubresauts de cette sombre décennie. Celle de la Troïka et ses acolytes qui étaient au pouvoir. D’ailleurs, cette même école souffre encore des séquelles de cette période où le système éducatif rejetait hors de ses rangs plus de 120.000 élèves par an. Ces derniers livrés à eux-mêmes sont devenus la proie des réseaux de narcotrafiquants ou des consommateurs de drogue. C’est ce système éducatif déstructuré qui nous a donné cette jeunesse désorientée et sans repères identitaires.
Droits et libertés, dites-vous !
S’il y a une fausse vérité à souligner, c’est, à notre sens, celle qui consiste à enseigner ce qu’on a appelé “droits et libertés” ou, encore, les “droits de l’enfant”. Des prétextes fallacieux qui ont conduit l’écrasante majorité de nos enfants à faire le dangereux amalgame entre liberté et anarchie, droits et devoirs. Le système a tout fait pour faire croire que l’enfant dispose d’une large gamme de droits tout en sous-entendant qu’il n’avait, en contrepartie, aucune obligation. Cela a abouti à un trop de liberté frisant l’overdose.
S’y sont ajoutés les médias, notamment du secteur privé, dont le rôle, ô combien néfaste dans l’amplification du phénomène de la violence, a été déterminant. Les talk-shows et autres programmes engageant des chroniqueurs à la noix ont faussé le paysage médiatique. C’est ainsi que des émissions télévisées se transforment en combats de coqs avec échange d’invectives et de propos vulgaires et indécents.
Reprise en main possible ?
Ce qui fait que cette génération n’a, devant elle, que les mauvais exemples. D’ailleurs, selon les statistiques, la tranche d’âge 15-24 ans constitue environ 14% de toute la population. Soit plus de 700.000 individus. C’est, malheureusement là que l’on compte la masse de jeunes à problèmes. Ceux qui ont l’âge entre 16 et 20 aujourd’hui sont le pur produit de la période 2011 et de la décennie qui s’ensuivit.
Et là, la question qui se pose est de savoir comment prendre les choses en main? A l’évidence, le défi est de taille. Y a-t-il une solution miracle ? Il est clair que non. Mais il y a une “recette” qui a fait ses preuves. Heureusement que notre pays a testé les vraies associations de la société civile que nous allons citer sans ordre de priorité. Elles se caractérisent, toutes, par leur patriotisme et leur sens profond du bénévolat et du civisme.
On donne, à titre d’exemple, l’Association du scout tunisien. Elle est présente dans le pays depuis plus d’un siècle. Mais son impact, nous semble-t-il, n’est plus celui des années glorieuses du début de l’indépendance et les années qui suivirent.
De grands noms de leaders syndicaux, de personnalités du monde de la politique, des affaires, etc. sont passés par cette école authentique où ils ont été formés sur des bases morales solides.
On attend beaucoup de cette organisation en matière d’encadrement et d’accompagnement des jeunes. Des actions visant à mieux la faire connaître par le public grâce aux campagnes de sensibilisation dans les établissements scolaires sont souhaitables. Les autorités doivent, également, s’impliquer davantage dans le soutien de cette association.
L’autre institution de civisme est, à n’en point douter, l’Armée nationale. C’est elle qui est appelée à remplir sa fonction initiale, comme elle le faisait il n’y a pas longtemps. Les jeunes oisifs en âge d’être conscrits doivent être pris en charge et passer, impérativement, leur service militaire. D’un côté, l’intéressé pourra prendre connaissance des valeurs patriotiques et le sens de l’engagement et du volontariat et, de l’autre, apprendra comment s’acquitter d’un devoir envers la patrie.
Le Croissant-Rouge tunisien, lui aussi, représente l’autre organisation capable d’être d’un grand recours pour de nombreux jeunes qui sont en quête d’une vocation. C’est la grande école du volontariat et du don de soi. En tout cas, toutes les possibilités sont à exploiter en vue de permettre à tous ces jeunes de trouver la meilleure voie à suivre.
Ces espaces désertés
Toutefois, il ne faut pas minimiser le travail en amont grâce à la réactivation d’autres structures comme les maisons de jeunes, de culture qui sont de plus en plus désertées, parce qu’elles ne sont plus attrayantes. Tous ces espaces souffrent d’un manque flagrant de personnels spécialisés. D’où la nécessité d’optimiser leur rayonnement et d’impulser leur action. Une grande synergie entre les ministères de la Culture, de la Jeunesse et des Sports ainsi que le ministère du Tourisme et les diverses organisations de jeunesse est très vivement souhaitée.
Tout ceci ne nous empêchera pas de parler de la contribution des colonies de vacances dont il faut renforcer le rôle et étendre leur rayon d’action. En effet, c’est à travers des activités bien ciblées qu’on peut impliquer les jeunes. Personne, aujourd’hui, ne peut nier l’impact fortement positif des programmes proposés dans le cadre des colonies de vacances. On cite, entre autres, les voyages, la vie en communauté, le développement du sens du dévouement, etc. Autant de valeurs qui sont devenues une denrée rare.
Miled
27 mai 2024 à 12:07
Tout à fait d’accord avec vous si Amor. Le role des scouts tunisiens et de l ‘armée nationale ont été et restent précieux. J’en ai fait l’expérience avec les deux institutions. Elles seraiwnt encore plus bénéfiques aujourd’hui pour les filles comme pour les garçons.
L’école est indiscutablement la plus concernée. Comme je l’ai développé dans mon livre Carnet d’Ecoles, il faudrait s’inspirer de l’expérience anglaises depuis le milieu des années 1995 au sujet du hooliganisme en particulier suite au drame du stade deHeysel en 1985, et de la violence en général. Les autorités ont institué un programme scolaire sous le nom de « Controlling emotions » c’est à dire la maîtrise des émotions ou le self-control dans toutes les écoles. Les résultat sont là: le hooliganisme tel qu’on l’a connu n’est qu’un mauvais souvenir. Il faut prendre le taureau par les cornes et mobiliser toutes les énergies et les compétence pour instituer un programme solide et méthodique dans les écoles, universités, associations médias avec des psychologues, sociologues, educateurs, société civile qualifiée pour élaborer une démarche appropriée et pérenne. On ne peut pas continuer à penser uniquement à des solutions coèrcitives. Il faut un travail de fond.